Yoga Audios

Chaque trimestre, je propose d'accompagner les séances hebdomadaires de quelques parfums liés à un artiste (écrivain, photographe, plasticien...), à d'autres mots... Parfois liés à la tradition du Yoga (la poétesse Lalla, les Yoga Sutra), ou pas du tout (René Char, Pessoa, Andrée Chedid.

Voici quelques lignes issue de notre voyage en compagnie de Patrick Chamoiseau, auteur Martiniquais.

C'est en suivant ces fils rouge que j'enregistre des séances audio. A écouter en ligne ou à télécharger, 4 séances courtes de 20-30 minutes, indépendantes et/ou une séance longue de 1h30. Pour avoir le lien vers cette séance, contactez moi !

Yogamoiseau 1

Avec son livre Frères Migrants , nous allons aller à la rencontres de ceux et celles qui vivent des temps de rudesse, de précarité, et notamment ceux qui quittent un lieu pour en espérer d'autres, ceux partent en migration et parfois périssent en chemin.

En allant à la rencontre de ce qui est rude, je ne veux pas vous plomber ou en rajouter dans un quotidien qui est parfois déjà suffisamment lourd. Il s'agit de nous inviter à voir ensemble comment le Yoga peut contribuer à cultiver le vivant en nous et autour de nous pour ne pas succomber à ces forces sombres. Nous rappeler que le yoga n'a pas vocation à être un espace de fuite; un lieu où on oublie le monde, mais  un lieu où on reprend nos forces pour aller à la rencontre des beautés mais aussi des rudesses de nos vies, individuelles et  collectives.

Ancrés dans ce qui est solide en nous, dans un socle de tranquillité, dans la respiration, dans le soutien de nos corps et de nos vies, peut-être serons-nous davantage en mesure d'affronter l'insupportable. Ancrés dans nos forces, nous pourrons alors nous redresser et agir, chacun à notre façon, dans ce qui est vivant dans chacun de nos gestes. Petites et grandes actions. Au fil des pages, Chamoiseau nous proposera de regarder, au delà des douleurs et des lâchetés de notre monde, comment nous pouvons retrouver du sens et du vivant dans nos vies, personnellement et collectivement.

"Ne pas baisser la tête. Ne pas fermer les yeux.Ne pas différer le désir (...) . déclench[er] pour soi, en inventant pour tous, des virgules de lumières.".

Yogamoiseau 2

Avec Patrick Chamoiseau qui vient rendre hommage sans naïveté aux épreuves et aux courages de ceux qui partent pour l'exil, parfois choisi, parfois forcé, sans complaisance, sans simplifier, rendons hommage à ceux qui vivent des temps rudes, tout près de nous, ou plus loin, et à nous mêmes dans les temps sombres de nos vies, (sans pour autant évidemment tout niveller, ou tout simplifier...)

Et prenons le temps aussi de savourer les chances de belles choses qui peuvent se nicher aussi dans le sombre. Donner un autre souffle aux rivages.

Yogamoiseau 3

Sans fermer les yeux sur les aspects peu reluisants de notre monde, il nous invite à cultiver, dans notre vie et avec les autres, des pétillances et toujours une dose d'humour malicieux.

Avec lui, demandons nous aujourd'hui, en ce temps symbolique de passage, ce que sont les frontières, extérieures et intimes, et comment elles se vivent et se détournent.

"La frontière est une vitalité, qui scintille dans cette couple de forces: celle qui ouvre, celle qui ferme. Celle qui accueille, celle qui refuse d'accueillir sont en nous, sur la même ligne, soumises à des intensité de peur ou de confiance qu'actionnent les aubes ou crépuscules de nos imaginaires.".

Ne nous figeons pas dans nos lignes et dans nos contradictions, continuons à chercher... Une vitalité, une tangence... je vous souhaite d'ê

Yogamoiseau 4

Nous continuons à cheminer avec Patrick Chamoiseau

Dans son livre Le Conteur, la Nuit et le Panier, il revient sur ce qui le fait écrire, sur les moments difficiles de sa propre vie, comment l’écriture le porte, et notamment sur ce qui le relit à la tradition du conte, et notamment du Conteur dans les plantations esclavagistes.

Dans ce livre, Chamoiseau redit longuement l'horreur de l'esclavage et comment alors "le présent [était] comme une douleur vide". "Ils ne [pouvaient] qu'endurer".

Alors, comment faisaient-ils pour rester en vie? Pour continuer.

Il y avait ceux qui parvenaient à s'enfuir pour vivre dans la forêt, à marronner.

Mais Chamoiseau en parlant du Conteur qui restait, lui, dans la plantation, nous dit "Le Conteur avait pour ainsi dire marronné depuis longtemps. Il ne s'était pas enfui dans les grands bois. Il s'était appliqué en chaque chose, seconde après seconde, à dériver dans de petites et souterraines modifications de lui-même (...) contempler longtemps, (...) ressentir un rayon de soleil dans la pénombre d'une fougère, bouger en conscience de chaque geste, habiter chaque mouvement au plus soutenu et au plus accompli."

De cette convergence de sensations, devenir: devenir le pays perdu, advenir au pays nouveau, cette terre rouge, cette terre noire, ce sable, cet oiseau, devenir ce fromager, cet igname sauvage, devenir cette case, cette ville, ce bateau. Un peu ce que Deleuze nommait un devenir moléculaire (...) manière d'être en prolifération minuscule."

Alors, dans nos vies personnelles, avec leur rudesse et leurs joies, dans le monde où nous vivons où les horreurs et les insoutenables sont présents différemment, venons mettre résolument notre attention dans ce qui est vivant, dans ces frémissements en nous mêmes et autour de nous. Et même si c'est rien, même si cela paraît dérisoire, venons, avec cette détermination renouvelée,  cultiver de la vie plutôt que du mortifère, marronner dans ce qui semble figé... "rayer le dur de l'impossible" comme nous dit Patrick Chamoiseau.

Yogamoiseau 5

Faisons une expérience de chimie. Avec une pipette de verre, prélevons quelques gouttes  d'attention pure hautement concentrée et mélangeons-les à la solution chimique de l'instant! Quelques gouttes transparentes d'attention dans le grand bain transparent du quotidien. Et là, voyons apparaître une densité colorée , une matière de présence particulière: un précipité, au sens chimique du terme, nouvelle matière émergeant de cette rencontre...

Retrouvons Chamoiseau:

Dans l'état poétique [notamment celui du conteur créole dans la plantation esclavagiste] se produit le fameux sortilège du tout et du détail. Toute l'attention, toute la sensibilité possibles [sont] précipitées dans le détail (...) Porté dans les incandescences de l'étendue et de la profondeur, chaque détail témoigne du tout, et le tout se devine dans l'éclat de luciole que devient chaque détail. L'ordre esclavagiste ne peut plus ni dominer ni éteindre une sensibilité diffuse comme celle-là."

Aiguiser notre attention à ce qui reste toujours inattendu, vivant, en devenir, au sein de situations qui semblaient désespérées, figées, écrasées par des forces de domination. Notre capacité de présence comme une force de subversion souterraine?

Yogamoiseau 6

Patrick Chamoiseau nous parle de sa mère, Man Ninotte, qui, lorsqu'un cyclone venait à dévaster la ville, ne se laissait pas abattre mais au contraire semblait redoubler d'énergie.

Man Ninotte avait reçu quoi pendant les cyclones? Une possibilité s'était ouverte dans existence. Elle se précipitait chaque fois dans cette déchirure , non pour fuir sa difficile "réalité" mais pour rejoindre son "réel" véritables (...), Pour se saisir d'un nouveau plan de l'existence, capter des opportunités inconnues jusque alors (...)Les cyclones de Man Ninotte ne l'anéantissaient pas. Passé brisé, présent cassé, avenir rameuté dans le jeu des débris, ils lui ouvraient des lignes de fuite.

Après une calamité naturelle, une part de ce qui existait a disparu; une autre s'est transformée. Notre crainte ne provient pas uniquement du danger encouru, ou des cicatrices qui en agrafent le souvenir. Elle émane aussi du bouleversement dans notre perception ordinaire, donc rassurante, des choses. Nous éprouvons alors l'autre vertu du danger: celle qui liquéfie l'assise de notre esprit et le rend créatif: la catastrophe.

Yogamoiseau 8

Dans Frères Migrants:

"Le monde et ses misères sont des régions de nous.

Faire pays de ce monde, richesse de ces misères, ce sont le nôtres.

Faire courage de ces peurs, ce sont les nôtres.

Faire rencontre des fuites et des terreurs, ce sont les nôtres.

(...)Appliquer cette étendue à notre propre abondance, quelle qu’elle soit, quoi qu’elle craigne, voilà notre plus beau défi. Refuser de contempler ce qui vient du haut d’un trône sécuritaire, ou depuis les retranchements d’un ilet au trésor, c’est ici notre gloire. Organiser en pleine humanité nos irruptions dans l’irruption du monde, c’est notre humilité. Tout déverrouiller en soi pour mieux ouvrir en nous le sanctuaire de l’humain, c’est notre liberté. Négocier ainsi la crête d’une aventure, déjà vécue par tous, dont gardent mémoire les cheminements de notre conscience, c’est notre manière de demeurer vivants."

Yogamoiseau 9

Nous voici sur le point de finir notre périple avec Chamoiseau qui se questionne sur le monde où nous vivons.

"La barbarie néolibérale a vérouillé à sa manière le monde. La défaite serait de croire que ce verrou nous protège. Aujourd'hui, là où passent les marchandises et les capitaux, ce n'estpas le vivant qui passe.C'est le même qui s'installe. L'uniforme qui se met à régner."

Il nous invite à nous faire sensibles à ce qui de façon fine ne cesse de changer. Aux tangences, en nous mêmes et dans le monde qui nous entoure. A nous ouvrir à la Relation à l'autre comme espace désarçonnant, comme espace vivant, comme espace sans cesse à réinventer. La relation comme façon de dévérouiller ces espaces morts de ce qui nous est décrit comme figé, sans alternative, réduit aux impératif de la perfomance et du profit.

"Il n'est de vie sans  mouvement, vitalité sans migrance". "Voici ce que je balbutie et que j’asserte là : les migrances sont une des forces de la Relation. Elles ne sauraient manquer à la santé relationnelle du monde"

Belle pratique à vous et à bientôt - j'attends toujours vos suggestions pour la prochaine série de 10 séances si vous avez des idées/ des envies!

Yogamoiseau 10

"Vivre en Relation dans le monde n'est pas disparaître derrière un universalisme désincarné, inodore, sans géographie ou derrière une esthétique ou des idées. "

"Nous devons vivre en pleine conscience dans un écosystème relationnel où toutes les cultures du monde, toutes les trajectoires individuelles, toutes les perceptions sont liées entre elles, se nourrissent, s’échangent, s’opposent, se combattent, s’affectent et se désaffectent, et finalement se changent. C’est avec cette poétique-là qu’il nous faut penser nos identités fluides, notre rapport à nous-mêmes, aux étants et au monde. Plus que le “vivre-ensemble”, c’est l’idée du “vivre-en-Relation” qui est à mon sens déterminant et qui constitue l’immense défi à relever. Et ce “vivre-en-Relation” nous précipite en contact avec tout, nous ouvre à tout, même et surtout à ce qu’il nous est impossible d’expliquer ou de comprendre, ou seulement de penser. "

"La Relation ouvre à l’inextricable, c’est-à-dire au vivant."

"La grande poésie nous initie à une horizontale plénitude du vivant. Elle fait se lever en nous une manière de soleil. "

« Les poètes sont les désirants de l’indicible, non pas comme problème à résoudre mais comme soleil à vivre. »